samedi 21 avril 2012

Légende Maorie : l’histoire du Waka des Dieux



Un vieil homme, parti en forêt avec son petit-fils, lui raconta cette histoire.

« Mokopuna, jeune homme, fils de mon fils, allons parcourir les eaux les plus sauvages et voyager sur le Waka des Dieux.

Dans les anciens temps, les ancêtres attendaient chaque année l’arrivée du plus beau, du plus grand et du plus magnifique Waka : le Waka des Dieux. Quand la saison approchait, ils disaient à leurs enfants ce qu’ils allaient bientôt voir :
"Cherchez la poupe la plus finement sculptée s’élevant vers les étoiles. Voyez la fière proue coupant les vagues, colorée d’arcs-en-ciel, et sachez que les Dieux utilisent leurs merveilleux pouvoirs pour envoyer glisser le Waka sur les eaux profondes.
"N’ayez pas peur quand les ombres tombent sur le pays, car ce n’est que sa grand-voile qui vient cacher le Soleil. Souvenez-vous, il a deux énormes coques, l’une est Aotea Mai Rangi et l’autre Aotea Roa, et des cordes magiques les relient pour chevaucher les eaux turbulentes des Anciennes Marées." *


  
Nos ancêtres aimaient le Waka des Dieux qui venait chaque année à la saison des fleurs. Mais un printemps pourtant, il ne vint plus. Saison après saison ils le cherchèrent, mais le Waka ne revint jamais.
Alors ils demandèrent aux plus sages d’entre eux de sonder les mystères du passé. Fouillant profondément le temps d’hier, ils virent Mahuru et sa femme Hione voler le Waka et partir au large. Tous décidèrent de partir à leur suite. Ils les rattrapèrent le jour d’après, mais les Dieux étaient toujours fâchés. Et une terrible tragédie se déroula sous leurs yeux : ils virent des étoiles en colère se rassembler autour de la lune pour donner naissance aux Marées du Chaos, le Déluge tant redouté.

Loin derrière l’horizon voilé, les eaux commencèrent à se soulever terriblement haut, avant de s’enrouler et de tout dévaster sur leur passage. Des vents de tempêtes découpèrent les nuages en lambeaux, balayèrent les oiseaux du ciel, tirèrent les poissons hors de l’eau pour les écraser contre la voile. De leurs mains gelées, ils essayèrent de rentrer la grand-voile avant que le Waka ne chavire. Mais soudain les vents gagnèrent en puissance, et poussèrent inexorablement le Waka contre une immense vague.
C’est alors que la coque d’Aotea Mai Rangi se perça. Elle se brisa en morceaux quand les dents pointues des rochers la transpercèrent pour l’ouvrir tout grand à la rage des marées ; un récif dissimulé fut sa perte fatale. Désespérément, les sages crièrent au Gardien Taniwha de sauver le Waka :
"Entends-nous, tout-puissant. Nous sommes à bout de nos forces et nous ne pouvons pas écoper assez vite pour contenir la marée. Renvoie les eaux dans la mer, fais flotter le Waka haut au-dessus de vagues. Viens vite ou nous périrons tous dans le Déluge !"

                Mais la prière était trop longue. Aotea Mai Rangi commença à couler avant que Taniwha n’apparaisse. Se mouvant rapidement dans les airs, le Gardien coupa les liens pour séparer les coques et libérer Aotea Roa, alors que l’autre coque Aotea Mai Rangi disparaissait derrière les vagues, emportant les voleurs Mahuru et Hione et bien d’autres valeureux marins.

                 Aotea Roa dériva vers le Sud pendant treize jours et treize nuits, poussée par de forts vents. Puis le calme revint sur les eaux, et les membres de l’équipage pleurèrent leurs frères noyés.
Et la peine fut partagée : Io Mata Ngaro, le Dieu Suprême, descendit des cieux et envoya un chant magique : il toucha doucement le Waka et l’équipage, et changea tout le monde et toute chose en pierre.

           
          Ceci est l’histoire du Waka des Dieux. Une coque fut sauvée et l’autre perdue ; forts pourtant étaient les liens qui unifiaient les deux. Encore maintenant les montagnes portent les noms de ceux qui furent noyés. Ils ne sont pas oubliés.

                Te Waka Aotea Roa o Nga Atua, le grand Waka des Dieux, fut reconstruit avec un espar à la coque pour l’équilibrer sur les vagues. Sa proue fend toujours les froides marées venant du Sud. Son pouvoir reste encore dans les frères et sœurs changés en pierre. C’est pourquoi nous parcourons les terres d’un pas précautionneux, et nous nous déplaçons dans les montagnes avec respect. Car là nous rencontrons nos ancêtres qui naviguèrent bravement sur le Waka des Dieux. Et il reste notre havre de paix jusqu’à ce que nous soyons nous-mêmes changés en pierre et les rejoignions. »

     Le vieil homme fit une longue pause. Le feu crépitait doucement et réchauffait la nuit. Puis il dit au garçon :

                « Mokopuna, quand la mort m’appellera, emporte-moi auprès de mes ancêtres dans les montagnes, et laisse mes os à leur décor de pierre. Envoie mon esprit à Te Reranga Wairua, où Hine Nui Te Po attends de me mener chez moi. Et dis le dernier chant pour moi. »

                Quand son petit-fils acquiesça, le vieil homme sourit et porta son regard au-delà du feu, vers les étoiles.

                « Enfin sache que Tangaroa nous envoya un Rayon magique, comme une corde pour monter à bord du Waka des Dieux. Ensemble, nous bravons le tumulte des Vieilles Marées comme celui de la vie, pour vivre là sur notre île, notre pays du long nuage blanc, Aotea Roa. Honore les Dieux, comme tu honoreras les ancêtres d’autrefois, et jusqu’aux jours du Faiseur de Rêves. »



Traduit directement (et personnellement) de l’anglais, depuis : 
« le Chant de Waitaha » (http://www.songofwaitaha.co.nz/free-gift.html)

*Un peu comme un catamaran, en fait… [Note du traducteur]

jeudi 19 avril 2012

Un petit tour en Terre du Milieu

Avis aux non-amateurs du Seigneur des Anneaux : cet article peut vous paraître long et ennuyeux. Si toutefois vous vous intéressez à ce que j'ai fait ces derniers temps, lisez-donc ! Et puis, qui sait, ça vous donnera peut-être envie de découvrir les films !

Pour fêter Pâques avec une copine de classe venue de Christchurch, dans l’île du Sud, nous avons décidé de visiter les lieux de tournage du Seigneur des Anneaux tout autour de Wellington.
Rendez-vous lundi matin à 10h (c’est-à-dire très tôt) avec notre guide devant la bibliothèque municipale. Nous sommes rejoints par deux jumelles danoises et une japonaise qui, visiblement, ne parle pas anglais mais dit oui à tout ce qu’on lui demande (même si on ne lui demande rien, d’ailleurs).
Nous montons dans un bus avec télé et sonorisation super-sophistiquée, pour voir les extraits de la trilogie correspondant aux endroits que nous allons visiter.

Première destination : le gouffre de Helm.
Lieu de bataille du second film « les Deux Tours », le gouffre de Helm est une forteresse bâtie dans une vallée rocheuse, dernier refuge des Hommes du Rohan chassés par les Uruk-Hais de Saroumane.
La scène a été tournée dans une carrière le long de la route (la seule) qui longe la baie et mène à Wellington. Evidemment, comme on arrive un peu tard, il ne reste plus rien du tournage et l’activité paisible de la carrière a repris son cours. Le guide nous raconte que les décors étaient tout à fait visibles depuis la route, mais que tout le monde s’en fichait pas mal parce que, évidemment, le succès du film n’était pas encore fait. (Pauvre d’eux ! s’ils avaient su !)
Pour l’anecdote, il est intéressant de savoir qu’un des artisans du tournage a passé 6 mois à tailler un escalier de 160 marches dans le cailloux, lequel escalier n’apparaît dans le film que dans une séquence de 5 secondes, et lequel artisan n’a même pas son nom dans le générique. Encore un héros anonyme !


Autre détail croustillant, Viggo Mortensen, qui joue Aragorn, a été appelé pour le rôle deux semaines avant le début du tournage parce que l’acteur qui était initialement prévu s’était fait lâcher par sa petite copine. Peu convaincu et n’ayant jamais lu le Seigneur des Anneaux, c’est son fils, quant à lui fan de la trilogie, qui l’a convaincu à accepter. Pour le remercier, Peter Jackson, le réalisateur, lui a offert un rôle de figurant : il apparaît dans l’arrière-plan d’une scène qui précède la bataille du gouffre de Helm, quand Aragorn dit à un jeune homme que son épée est de bonne qualité pour lui redonner courage (alors qu’il est plutôt clair que le bout de métal qui lui sert d’épée est aussi coupant qu’un couteau à fromage). Le jeune homme se trouve d’ailleurs être le fils d’un des auteurs du script.

"Il y a toujours de l'espoir" - Aragorn, acte 12, scène 4.

C’est dans cette même carrière qu’ils ont monté le décor de Minas Tirith, fief du fieffé Dénethor, intendant du Gondor. Tout le polystyrène qu’ils ont utilisé pour ces deux immenses décors a ensuite été recyclé pour servir à l’isolation des maisons de Lower Hutt, une ville en périphérie de la capitale.


Nous remontons dans le bus, direction l’Isengard, où vit le magicien Saroumane.
Le tournage s’est fait à Harcourt Park, un parc magnifique au pied des montagnes où commencent à se montrer les couleurs de l’automne. La scène du film se situe dans « la Communauté de l’Anneau », quand Gandalf vient voir son supérieur Saroumane pour lui demander conseil. On le voit arriver à cheval le long d’une allée jusqu’au pied de la tour. Il passe sous une grande arche de pierre, qui en réalité ne fait qu’un mètre de large mais est située juste devant la caméra. L’illusion est parfaite grâce au travail de post-tournage sur ordinateur.
Perrine et moi tels Gandalf et Saroumane.
Bien sûr, la tour d’Isengard n’a jamais été construite ailleurs qu’en studio, et quand Gandalf arrive au bas des escaliers, il se trouve en fait devant un immense écran bleu. Dans la séquence où l'on voit Saroumane de près avec les escaliers en arrière-plan, il s’agit en fait d’une maquette de 50 cm de large posée juste derrière sa tête.
Quant à la scène où les eux magiciens parlent en se baladant dans le parc, elle a été tournée juste à côté. Comme vous le pouvez le voir sur la photo, il y a banc juste dans le cadrage ; il a été habilement camouflé par des feuillages pour le tournage.


Prochaine destination, le lieu de tournage de la scène « Aragorn washed ashore ».
C‘est l’endroit où Aragorn échoue sur une plage de galets à la suite d’un combat acharné contre un gobelin à dos de warg et d’une chute du haut d’une falaise. Il se fait réveiller par son cheval et parvient à rejoindre le gouffre de Helm avant les Uruk-Hais. (Je vous conseille sérieusement de lire un résumé des films ou des bouquins si tous ces noms bizarres ne vous disent absolument rien. Ou alors lisez un autre article.) La rivière coule paisiblement au milieu d’un petit village, entre des enclos à moutons et des prés à chevaux.
Pour la petite histoire (parce qu’il y a toujours une petite histoire), la scène fut bien plus compliquée à tourner qu’elle n’en a l’air : bien que parfaitement dressé, le cheval ne voulait pas faire son travail correctement avec Aragorn au moment du tournage, si bien que Peter Jackson voulut supprimer la séquence. Mais Viggo Mortensen, convaincu que c’était important pour son personnage, décida de recommencer avec un autre cheval, qui cette fois-ci serait entraîné avec Viggo lui-même. Et ça a marché : deux mois d’entraînement hippique plus tard, la scène fut un succès.


Dernier arrêt : Kaitoke Regional Park, où ont été tournées deux différentes scènes.
Où Faramir découvre le corps de son frère.
L’une est celle de Faramir découvrant le corps sans vie de son frère Boromir dans la rivière.

L’autre endroit est le lieu de tournage de Fondcombe
Dans « la Communauté de l’Anneau », c’est là que se tient le Conseil d’Elrond. Toute la scène est faite à partir des prises réelles, de maquettes et d’un décor géant en studio pour que les Hobbits paraissent plus petits. Sans les photos que nous montre le guide, impossible de reconnaître l’endroit, perdu au bord d’un chemin dans une forêt touffue.



'faut le savoir !
Pour veiller au respect des lieux de tournage, le réalisateur Peter Jackson avait créé le « Département Naturel », chargé de laisser les lieux dans l’état précis où ils étaient avant le tournage. Pour Fondcombe, l’équipe a dû déplacer tout un tas d’arbres et d’éléments naturel qu’ils se sont amusés à numéroter un à un, et à en faire une cartographie précise afin de remettre chaque détail à sa place jusqu’à la moindre touffe d’herbe !




Où Legolas s'est fait prendre en photo pour un fameux poster promotionnel.


Puis retour à la case départ, avec pour la route quelques scène supplémentaires, des extraits d’autres films de Peter Jackson, et la bande annonce du « Hobbit » à sortir en décembre prochain.
Inutile de dire que je trépigne d’impatience.

mardi 3 avril 2012

Fidèle au café

Travaillant au Fidel’s Café depuis presque un mois maintenant, je commence à maîtriser le domaine. Il est temps d’écrire un article détaillé sur mon environnement professionnel...


           Au café où je travaille, il y a Kristie, la manager, qui m’a embauché. Quand je suis en pause à midi et qu’il y a beaucoup de vaisselle à faire, elle la fait à ma place. Elle est très proche de ses 31 employés et elle connaît tous nos noms et les numéros de téléphone de la moitié d'entre nous par cœur.

Il y a Chams, un autre Français qui vient d’Antibes et qui est plongeur comme moi. Il me parle tout le temps en français, mais moi je trouve que ce n’est pas très poli pour ceux qui nous entourent alors je lui réponds en anglais, et tout le monde nous regarde d’un drôle d’air quand on a une conversation.
Il y a cet autre plongeur, Todd ; quand il parle, même les autres Néo-Zélandais ne comprennent pas ce qu’il dit tant il parle vite et en marmonnant. Alors imaginez ce que c’est quand je l’ai au téléphone et que je dois comprendre la raison de son appel !
Il y a plusieurs autres plongeurs, comme Nick, Chris ou Richard, mais je ne les vois que très rarement, tout simplement parce que mon emploi du temps ne correspond pas au leur.

 Au café où je travaille, il y a Jorja le cuisinier qui vient du Chili. C’est le sosie parfait du personnage de Bref, la série de Canal +. Il m’appelle « lé Petit » parce que c’est tout ce qu’il sait dire en français, avec « bonchour » et « ça va ? ouiiii ! »
L'arrière-cour.
Il y a un autre cuisinier qui vient de Birmanie ; je n’ai toujours pas compris son nom mais c’est quelque chose comme Naig-Naig. Alors je l’appelle « bro » comme tout le monde. Il m’appelle « Léti » parce qu’il veut faire comme Jorja mais il ne comprend pas ce qu’il dit, et je n’ai pas envie de le corriger parce que c’est marrant.

Il y a Linn, une boulangère à l’accent britannique et distingué, qui a au moins soixante ans et qui ne veut pas quitter son job parce que, comme elle dit, si elle était à la retraite elle ferait quand même des gâteaux, alors autant être payée pour les faire. Elle me donne des parts de ses cheesecakes quand personne ne regarde, parce que je ne suis pas censé en avoir, et, honnêtement, c’est les meilleurs que j’aie jamais goûtés.

Il y a les serveuses, Sarah-Jane, Oni la Thaïlandaise, et Gemma, qui sont en colocation et qui font des super soirées avec au moins la moitié du staff.
Richard et Hanna au bar.
Il y a Abby, la blonde qui parle avec un accent américain, Hanna qui a les cheveux roses et Aniwa, qui est Maorie, et qui m’a appris les paroles du haka. La prochaine fois que je vais chez elle, elle et sa coloc, qui est Maorie aussi, m’apprendront les gestes qui vont avec les paroles. Elles ont une sorte de salamandre dans leur salon, qui a la même tête que le dragon noir dans le film d’animation « How to train your dragon », et qui, quand on la sort de l’eau, change la texture et la couleur de sa peau. Il paraît qu’une bestiole comme ça peut vivre jusqu’à deux cents ans !
Et puis il y a Conor qui tient le bar et fait des sandwichs, qui est homosexuel et qui est chanteur dans un groupe de jazz. Il n’arrête pas de chanter par-dessus la musique de la radio, et il a la voix d’une afro-américaine. Ça surprend…


Il y a Dan le barman, avec qui je vais faire du VTT dans les collines autour de Wellington. Enfin pas depuis qu’il a cassé sa chaîne la semaine dernière. Il fait des cafés avec Connan, qui boit minimum trois litres de café par jour parce qu’il est insomniaque et qu’il est toujours dans le pâté.
  
Au café où je travaille, il y a toute sorte de clients : des hommes d’affaire, des touristes asiatiques, des jeunes et des moins jeunes qui ne font rien d’autre de leur journée que de boire des cafés, des gens de passage ou des couples qui viennent dîner.
Il y a M. Horman qui vient tous les jours à 11h30 et qui cherche à connaître la recette d’un gâteau aux pruneaux. Il y a Miss Wellhood qui est une vieille dame célibataire représentante d’une boulangerie et qui apporte aux plongeurs des échantillons de brioches, en disant qu’elle sait ce que c’est que de voir passer de la nourriture toute la journée sans avoir le droit d’y toucher. On l’aime bien, Miss Wellhood.


Au café où je travaille, vous l’aurez compris, il y a une super ambiance.
Tout le monde s’entend bien avec tout le monde, on est tous des bro (abréviation de brother, qui est le nom par défaut de tous les gens qu’on ne connaît pas en Nouvelle-Zélande), et je me suis fait plein d’amis.
Et moi, j’aime bien le café où je travaille.




Découvrez toutes mes photos de Wellington sur l'album n°5 Wellington !