C’est
bien joli tous ces beaux paysages, mais moi ce que je voulais voir c’est du
naturel, du vierge, du « untouched » comme ils disent ici. Mais pour
ça, il faut quitter la civilisation…
C’est donc par
un beau matin de juin, un froid matin d’hiver, que trois autres amis français
et moi-même sommes partis vers Stewart Island. C’est la troisième île de
Nouvelle-Zélande de par sa superficie, mais elle n’accueille pas plus de 300
habitants – avec une moyenne de 0,22 habitants au km².
Se rendre sur
cette île se révéla être une mission très compliquée : il faut d’abord se
rendre à Invercargill, une ville pas loin de la côte Sud, puis prendre une
navette jusqu’à Bluff, un tout petit village au bord du détroit réputé pour ses
huîtres et son inactivité mortelle, puis prendre un ferry au prix exorbitant pour
traverser le détroit de Foveaux et arriver enfin sur Stewart Island.
Le seul
avantage de tout ceci, regardons le bon côté des choses, c’est que, étant mal
faite pour les touristes de base, on ne trouve sur cette île que les locaux et
quelques étrangers venus exprès pour la randonnée. Autant dire que nous avons
été au calme.
Détroit de Foveaux |
Première nuit à Port William, au gîte bien-nommé de « Potirepo ». La hutte se trouve au bord de la plage dans une baie où il y eût autrefois un port et une scierie, pour importer du bois vers l’île du Sud. Mais ce n’était pas rentable, alors tout est tombé à l’abandon et la nature a repris ses droits.
Le lendemain,
nous quittons le grand sentier bien entretenu pour s’aventurer plus avant dans
la forêt sauvage. Le temps change à une vitesse incroyable : il peut
pleuvoir une moyenne de 30 fois par jour, avec un grand beau temps entre chaque
averse de 5 à 10 minutes chacune. La « rainforest » est luxuriante et
difficile à pénétrer, avec des passages si boueux que nous devons quitter le
sentier et nous frayer un chemin entre les lianes, les souches pourries et d’immenses
fougères.
Parfois nous
marchons sur la plage, quand le relief le permet. Nous admirons des arcs-en-ciel
à ne plus pouvoir les compter, des lumières fantastiques et parfois quelques
oiseaux natifs venus se moquer de notre lente progression entre les arbres.
Et quand on
arrive à la hutte, minuscule, froide et mal isolée, il faut encore faire le feu
que nous entretiendrons toute la nuit jusqu’à ce que le jour nous rapporte un
peu de chaleur. Mais quelle beauté, quelle magnifique impression que d’être là
où personne ne va – surtout en hiver ! – loin de toute civilisation,
bercés uniquement par le doux roulis des vagues et le bruissement du vent dans
la canopée. Une nuit, vers minuit, des kiwis, joueurs, vinrent se faire
entendre non loin de la cabane – mais impossible d’en voir la silhouette. Ils
sont sur cette île comme sur leur dernier bastion ; c’est là qu’ils sont
le plus nombreux, aussi.
Avec cette
extraordinaire expérience, je crois que j’ai atteint ce que j’étais vraiment venu
chercher aussi loin de chez moi : la nature comme elle était avant nous,
le sauvage et l’impénétrable. Mais aussi l’occasion de se retrouver soi-même.
Un tomtit |